pour les amateurs de football désireux de respirer un peu d'air frais et d'oublier l'espace d'une soirée les affaires de corruption, les comportements imbéciles et les rivalités rances du type PSG-OM, rien de tel qu'une belle finale de Ligue des champions. En 2005, à Istanbul, l'incroyable scénario d'un match remporté au finish par Liverpool (mené 3-0 à la mi-temps, puis vainqueur 4-3) face au Milan AC, avait marqué les esprits. La finale 2006, disputée mercredi 17 mai au Stade de France en partie sous une pluie battante, mais dans une ambiance exceptionnelle, risque elle aussi de rester longtemps gravée dans la mémoire collective.
Entre Arsenal et le FC Barcelone, le spectacle a été au rendez-vous. La victoire finale du Barça (2-1), douze années après le seul titre remporté par le club catalan dans la plus prestigieuse compétition européenne, est logique. Les coéquipiers de Carles Puyol ont, comme souvent cette saison, monopolisé le ballon (61 % du temps de jeu) et surtout adressé une vingtaine de tirs (dont 9 cadrés), une moyenne très rare à ce niveau de compétition.
Ce succès catalan, fêté toute la nuit sur les Ramblas par des dizaines de milliers de fans en délire (plus de 100 blessés ont été recensés), n'a pourtant pas été évident à remporter. Sur la pelouse glissante de Saint-Denis, les joueurs d'Arsène Wenger, réduits à dix dès la 18e minute à la suite de l'expulsion de leur gardien Jens Lehman, coupable d'avoir déséquilibré Samuel Eto'o à la limite de sa surface de réparation, ont failli réaliser un bel exploit.
A un quart d'heure près, Thierry Henry, le natif des Ulis (Essonne), pouvait, près de sa terre, croire au succès. Car en dépit de son infériorité numérique, son équipe, son Arsenal de combat, menait bien au score grâce à un but inscrit de la tête par Sol Campbell reprenant un centre parfait de Thierry Henry à la 37e minute. A dix, en dressant un double rideau défensif et en faisant toujours planer la menace d'un contre de leur attaquant français, les Londoniens tenaient bon. Mais face à une équipe comme le Barça qui alterne jeu court et long, qui trouve toujours des solutions grâce à ses techniciens hors pair, il ne faut pas gâcher les quelques occasions qui se présentent. Et comme, en ce 17 mai 2006, la malédiction du Stade de France a de nouveau frappé Thierry Henry, Arsenal a laissé passer sa chance. Trois fois au cours de cette finale haletante, l'international français se retrouva seul devant Victor Valdes. Trois fois, le gardien catalan sortit vainqueur du duel.
"COACHING" PARFAIT
Le dernier but inscrit par Thierry Henry à Saint-Denis remonte au 11 octobre 2003, lors du match France-Israël. Depuis, "Titi", pourtant prolifique ailleurs, a joué sur cette pelouse 788 minutes sans inscrire le moindre but...
Grâce au "coaching" parfait de
Frank Rijkaard, le Barça l'a donc finalement emporté. Entré à l'heure de jeu, le vétéran suédois Henrik Larsson a effectué deux passes décisives pour Samuel Eto'o (76e) puis Juliano Belletti (81e), ce dernier entré en jeu dix minutes auparavant.
"Je suis très frustré. Mon équipe n'a perdu qu'un match européen sur douze et a fait preuve de qualités morales et techniques extraordinaires. Je pense que le but d'Eto'o est entaché d'un hors-jeu et cela me met en colère...", a déclaré, après cette cruelle finale, Arsène Wenger. Dix ans après son arrivée à Londres, le technicien alsacien est toujours à la recherche d'une consécration européenne.
Ludovic Giuly, lui, a retrouvé le sourire. Quelques heures après l'annonce de sa non-sélection au Mondial 2006, l'attaquant de poche français du Barça est sacré champion d'Europe. "Il y a deux ans, j'ai perdu une finale européenne avec Monaco et cela fait très mal. Ce soir, je suis un homme heureux", a-t-il lancé, son fils sur les épaules.
Quelques minutes plus tard, son coéquipier Samuel Eto'o, drapé dans un drapeau camerounais et tenant son enfant sur les genoux, résumait en une phrase les raisons d'un succès arraché avec panache : "Ce soir, nous avons joué avec le même état d'esprit que celui des joueurs de Liverpool en 2005 face à Milan. Nous y avons cru jusqu'au bout !"
Alain Constant